SONALLAH IBRAHIM – LES ANNEES DE ZETH (DHAT)

« Nous recevons $850 millions d’aide des USA, dont 500 servent à payer les intérêts de notre dette militaire à leur égard ». Hosni Moubarak

Quoi de plus fascinant, à l’heure des soulèvements populaires appelés  »printemps arabe » quelque fusse notre retenue vis à vis des présumés préjugés de l’auteur, que de traverser grâce à ces Chroniques d’une femme ordinaire cairote, Zeth, plus de 20 ans de la vie quotidienne de cette jeune égyptienne dès la fleur de l’âge, sur fond d’histoire locale rythmée par une sélection de coupures de presse tant internationale que gouvernementale et d’opposition des années 80 permettant ainsi le passage du particulier au général. Ce choix de coupures de presse et leur organisation, subjectif s’il en est, apporte plus d’informations que bien des romans d’espionnage et autres libelles ou samizdat.

Qui est Sonallah Ibrahim ?

Rappelons que Sonallah Ibrahim est un journaliste aux convictions communistes, né en 37, et ayant passé 6 ans dans les geôles de Nasser (La République socialiste est alors alliée avec l’URSS). Ses axes de dénonciations affichés sont donc l’Occidentalisation rimant avec corruption et islamisation (enfin ses aspects visibles).

Les Chroniques de Zeth

De la vie de Zeth, nous adresserons tous ces moments d’une vie : adolescence, mise en ménage avec Abdel-Meguid, relations de voisinage, arrivée dans le monde du travail, l’immigration vers les pays du Golf, la montée des signes religieux extérieurs, bref une vie quotidienne affrontant une corruption endémique et révoltante, la pression sociale de l’Islam comme réponse à des maux réels et l’entrée dans la modernité via la société de consommation. Une évolution très rapide de la société traditionnelle cairote vue avec tendresse mais probablement déformé par l’?il de notre écrivain

De La Marche de la destruction et de la construction et de la machine à émission

Sonallah Ibrahim m’a fait bien rire par l’usage de ces deux concepts traversant en permanence l’ouvrage, l’un quelque peu idéologique et l’autre sociétal. Le concept de La Marche de la destruction et de la construction tend à décrire la société de consommation qui en permanence remplace, détruit et remplace là ou la société traditionnelle répare et fait durer. Son usage au long des Chroniques sonne comme un regard nostalgique. Le concept de la machine à émission décrit toute personne ayant autorité ou le momentum pour occuper la parole. Il est important de pouvoir occuper l’espace de communication, d’être une machine à émission. Pour être drôle, l’idée est commune et se retrouve dans nos sociétés.

Une corruption effarante…A-t-on des leçons à donner ?

touchant tous les secteurs de la vie quotidienne depuis les hôpitaux aux services administratifs avec bien sur le gros argent avec ses trafics en tous genre. Preuves à l’appui, cette dénonciation des pratiques des gouvernants et d’une clique de vautours n’épargnent pas l’Occident. La charge est rude mais juste.

L’immigration vers les pays du Golf…

avec ses antiennes sentiments de réussite, survie, recherche d’un eldorado et importation de coutumes exogène notamment dans ce cas l’islamisation depuis que la main d’œuvre s’était ruée vers les précieuses ordures des pays du Golf, les autres locales, s’accumulaient dans les poubelles abandonnées au seuil des appartements.

Les banques et sociétés de placements islamistes ..

..érigeant en principe l’interdiction de l’usure use de leur probité supposé et des systèmes bien connus de cavalerie, d’arnaque pour servir des revenus mirobolants. Bernard Madoff a donné encore récemment la preuve que l’Islam n’a pas le monopole de l’arnaque.

Comment lire cet ouvrage ?

Un style magnifique, une belle écriture et une excellente traduction. Une description vivante du quotidien tel que l’on s’y sent plongé sans effort. Un choix de coupure de presse habile et intéressant. Un engagement unilatéral sans concession qui nécessite un complément d’information. L’auteur n’est pas à l’extérieur de son histoire. il prend parti et nous impose une grande prudence quant à la réutilisation des faits, concepts et idées manipulées.

Quelques extraits

« Abib-Meguid commençait à accuser les effets de l’abîme grandissant qui le séparait de de ses rêves (son rêve capitaliste qui semblait à portée de main sous le socialisme nassérien, était devenu, ô surprise, inaccessible au temps du capitalisme de Sadate) ».

« Le coup de grâce a été porté à la Oumma islamique avec l’abolition du Califat en 1924. Depuis nous vivons en dehors de l’Islam ». Dr Nabil Hachem, Président du Club des Enseignantsà l’Université d’Alexandrie.

« Depuis 40 ans, je ne lis qu’un livre le Coran ». Le Cheikh Chaarawi à la télévision. Et bien il serait temps qu’il se mette à lire SPIROU !!!!

Petit résumé d’histoire locale

1954 la révolution et l’avènement de la République de Nasser, 1971 la révolution rectificative de Sadate changeant allégeance du socialisme et de l’Union Soviétique vers le business et les USA, guerre de sept ans avec Israël conclue par la paix dite de Camp David et l’assassinat Nasser par un islamiste en 81. Hosni Moubarak lui succédera marquée par une suite de scandales financiers et de corruption, l’enlisement du conflit Israëlo-Arabe, des relations politiques et économiques de grande importance avec les USA, la lutte contre les les sociétés de placement de fonds de droit musulman, et la réintégration en 89 de l’Égypte dans la Ligue Arabe, l’assassinat de Président de l’Assemblée du peuple en 90 par un groupe islamiste

Écrit en 2992, traduit de l’arabe (Égypte) grâce à Acte Sud dès 1993 par Richard Jacquemond

Je remercie plus particulièrement Hubert pour cette plongée dans l’Égypte populaire.

Livre de poche, collection Babel, 345 pages, 2002

Lectori salutem, Patrick

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