Matins du monde

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Alentours naissaient mille bruits

Mais si pleins encor de silence

Que l’oreille croyait ouïr

Le chant de sa propre innocence.

Tout vivait en se regardant,

Miroir était le voisinage

Où chaque chose allait rêvant

A l’éclosion de son âge.

Les palmiers trouvant une forme

Où balancer leur plaisir pur

Appelaient les oiseaux

Leur montrant des dentelures.

Un cheval blanc découvrait l’homm

Qui s’avançait à petit bruit,

Avec la Terre autour de lui

Tournant pour son cœur astrologue.

Le cheval bougeait les naseaux

Puis hennissait comme en plein ciel

Et tout entouré d’irréel

S’abandonnait à son galop.

Dans la rue, des enfants, des femmes,

A de beaux nuages pareils,

S’assemblaient pour chercher leur âme

Et passaient de l’ombre au soleil.

Mille coqs traçaient de leurs chants

Les frontières de la campagne

Mais les vagues de l’océan

Hésitaient entre vingt rivages.

L’heure était si riche en rameurs

En nageuses phosphorescentes

Que les étoiles oublièrent

Leurs reflets dans les eaux parlantes.

Matins du monde in Gravitation (1925 – Edition définitive 1935)

Jules Supervielle (1884-1960)

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