“Eh bien moi, j’aime la pluie avant qu’elle tombe. Bien sur que ça n’existe pas. C’est bien pour ça que c’est ma préférée. Une chose n’a pas besoin d’exister pour rendre les gens heureux.”
Roman existentiel sur le temps qui passe, espace où se discute la différence entre : les regards possibles posés sur le réel ou bien le regard posé rend réel un possible.
Une mélancolie chaude, un spleen rendu habilement par la fine traduction de Jamila et Serge Chauvin. Ecoutez ce chant triste et doux :
“Des nuages. Des nuages blancs qui flottent sur un ciel gris pâle. Ce ciel qu’encadre la petit fenêtre treillissée de la chambre de Théa, à l’arrière de cette maison si belle, si triste. Je regarde les motifs des nuages, les motifs qui changent sans cesse, qui se forment et se dissipent, tandis que l’après-midi s’écoule dans un silence presque total. Parfois un cri dans le jardin, le bruit des autres enfants, qui continuent à jouer. Théa endormie à coté de moi : si jeune, si vulnérable, si apeurée, et les motifs des nuages qui se forment et se dissipent, se forment et se dissipent. Blanc sur gris, et la pression de son corps…”
Ce roman aux couleurs de l’automne de la vie de Rosamonde retrace la vie des femmes de sa famille. Les hommes accompagnent, trahissent, soutiennent les Ivy, Rebecca, Ruth, Thea, Imogen ou Gill.
Dans le Shropshire, un des comtés les plus ruraux d’Angleterre, Rosamonde s’éteint en témoignant de sa vérité sur vingt cassettes enregistrées accompagnées de vingt photos, soient vingt histoires, vingt complaintes s’étalant de 1938 à 1975 expliquant cet héritage à Imogen, cette fille que nul ne semble connaître dans la famille.
Rosamonde à la recherche des raisons à tout. “Il y avait une raison à cela. Il y a une raison à tout, au cas où tu ne l’aurais pas encore appris dans ta courte vie.” Combien est contestable cette proposition. Car n’est-il pas évident qu’à chercher à rebours les raisons d’un futur présent, l’on construit un passé irréel. “Ne laisse pas le présent recouvrir le passé.” cette mémoire à rebours.
Entrez dans ce roman, cet univers, laissez vous porter entre sommeil, spleen, tristesse, pluie et vent. Par cette “voie chaude et rocailleuse qui étire le mot bonsoir jusqu’à cinq fois sa longueur, si bien qu’en l’entendant j’ai eu l’impression d’être repêchée d’une eau glacée et enveloppée dans une grosse couverture.”
A noter, page 180, la traduction nomme la cabine 304 Salsepareille, ce qui veut dire un vent d’ouest. Je crains qu’il n’y ait erreur. Il s’agit d’une plante que l’on soit Schtroumpf ou non. La question a été posée aux traducteurs le 30 Avril.
Merci à Hubert pour cette magnifique lecture.
Gallimard 2009, collection Folio, 268 pages,
Lectori salutem, Patrick