Stefan Sweig – Nietzsche, le Combat avec le démon

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Quelle dose de vérité un homme peut-il supporter ? F Nietzsche le Gai Savoir

Ce texte de Stefan Sweig (1881-1942), Der kampf mit dem dämon, édité pour la première fois en 1937, traduit par Alzir Hella, utilise la figure de style des Vies parallèles de Plutarque, en proposant d’exposer trois figures héroïques : Hölderlin, Kleist et Nietzsche. Tous trois projetés hors de leur moi par une puissance formidable, supraterrestre, un cyclone de passion et qui finissent prématurément dans le suicide et la folie. Des météores, incompris de leur génération, rayonnant dans leurs brèves missions. “Eux-mêmes ignorent ce qu’ils sont et le chemin qu’ils prennent parce qu’ils ne font que venir de l’infini, pour aller à l’infini : c’est à peine si dans l’ascension et la chute rapides qu’est leur vie ils frôlent le monde réel.”

J’ai lu pour l’heur la partie consacrée à Frédéric Nietzsche. Ce texte dense de 90 pages possède une force de pénétration stupéfiante qui n’étonnera pas les connaisseurs de Sweig. Que l’on soit lecteur ou non de Frédéric Nietzsche, nul ne saurait passer à coté de ce monument de compréhension intime du philosophe qui vous imposera une nouvelle plongée dangereuse dans Zarathoustra, Ecce Homo ou le Gai Savoir. L’ami de Freud décrit l’homme en ses multiples dimensions, psychologique en digne ami et disciple du grand viennois, et celles du philosophe ou plutôt du philalèthe, ami de l’Alètheia plutôt que de Sophia, et bien sur de l’écrivain.

La tragédie de Frédéric Nietzsche est une pièce en deux actes et un seul personnage lui-même. Solitaire : “Un héroïque paysage sans ciel, un jeu gigantesque sans spectateurs, le silence, un silence toujours plus intense autour du cri le plus terrible de la solitude de l’esprit, telle est la tragédie de Frédéric Nietzsche.” Hypocondriaque, aux yeux blessés, aux nerfs à vifs, à la recherche de son lieu de vie, il est l’objet de son étude. Il commença sa vie dans la normalité, adulte avant l’heure, détenteur d’une chaire jusqu’à ses trente ans, jusqu’à ce que le démon ne le prenne et ne l’enlève. Douleur, L’Italie, le soleil, le Sud. Transformation intellectuelle et physique. “La grande douleur est le dernier libérateur de l’esprit ; elle seule nous contraint à descendre dans nos dernières profondeurs.”

Nietzsche bouscule les idées, le système et aussi la langue allemande lui imprimant un rythme sonore qui devient musique. “Il est donné aux natures possédées du démon de reprendre la notion depuis longtemps banalisée et tempéré pour la transporter dans un chaos créateur, dans une sphère de tension infinie.[…] Une sincérité comme celle de Nietzsche n’a plus rien de commun avec l’instinct de prudence domestiqué, dompté et tout à fait tempéré des marchands, pas plus qu’avec la sincérité grossière et brutale de nombre de penseurs qui, portant à droite et à gauche des œillères, ne se précipitent que sur la voie d’une seule vérité, la leur.”

“L’homme qui connaissait si bien Hölderlin, Kleist et Nietzsche devait être un de leurs frères“, écrivait un de ses proches après le suicide de Stefan Zweig en 1942

Merci à Hubert pour cette idée de lecture.

Ne manquez pas ce moment d’élévation dans notre monde gris et vulgaire.

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Le livre de poche, 6,50€, éditeur d’origine S. Fischer Verlag en 1951 et Pierre Belfond en 1983.

Lectori salutem, Patrick

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