Oswald Wynd – Une odeur de gingembre

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1903 ! Un siècle nous sépare de nos pères, de nos mères, de nous-mêmes. Georges Bernanos décrivait sa contemporanéité comme des nains sur des épaules de géants.

Saurez-vous lire ce journal intime, non comme celui d’une femme, mais comme une part de nous-mêmes en faisant fi de nos certitudes, de nos vérités ? Cette œuvre immortelle, avec son odeur du passé au goût de présent, ajoute au défi de nous montrer comme nous sommes, celui de nous regarder dans le miroir de l’altérité, celle de ce Japon au fort sentiment identitaire. Ce journal intime de la liberté et de la transgression est aussi un grand roman historique ; Histoire des hommes et des guerres ; Histoire des femmes et de leur combat pour être.

Saurez-vous, une fois déraciné et transplanté, vous intégrer à ce monde accompagné de cette odeur de gingembre ?

Une odeur de gingembre ? Cette plante tropicale inconnue alors au Japon est le témoin du déracinement et de l’intégration de Marie MacKenzie. Présente dans le commerce de Zanzibar, dans la cuisine indienne, elle est même la base de la recette du Canada Dry mise au point au Canada en 1904 !

The ginger tree, paru en 1977, d’Oswald Wynd bénéficie de l’excellente traduction française de Sylvie Servan-Schreiber contribue largement à faire entrer ce roman dans la listes des incontournables. Le scénario est simple. Une jeune écossaise presbytérienne est mariée à un jeune diplomate anglais anglican en fonction en Chine. La solitude et sa curiosité pour le monde qui l’entoure la fait fauter avec un noble japonais. Reniée, elle reconstruira sa vie au Japon laissant, par deux fois, les fruits de son sein loin de son cœur. La richesse de caractère des personnages, l’exactitude des sentiments, la trame historique font de ce qui aurait pu n’être qu’une romance, une œuvre d’art transcendant l’histoire, ses personnages et son auteur.

Ce journal intime commencé à son arrivée après la fin de révolte des Boxers (vu de Chine ou vu des jésuites), puis la guerre russo-japonaise, de l’entrée dans la guerre du Japon en 1914 aux cotés de la France et de l’Angleterre, suivies des luttes sino-russo-japonaises, le tremblement de terre de 1923 qui détruisit les 3⁄4 de Tokyo vit sa fin lors de l’expulsion des étrangers lors de l’entrée en guerre du Japon contre les anglais.

Une pensée sacrilège !

J’essayais l’autre jour de décrire à maman un coucher de soleil et j’ai écrit que le Ciel avait renversé toutes les couleurs dont Il disposait, mais j’ai bien entendu déchiré ma feuille, car elle aurait trouvé ma pensée sacrilège.”

C’est très français…

Elle a été au Japon en vacances et dit que c’est un paradis. On m’a donné un roman qui s’y passe, Madame Chrysanthème, de Pierre Loti. J’ai commencé à le lire hier au soir avant de m’endormir. C’est très français, en ce sens que l’héroïne est une femme de douteuse vertu.”

Ceux à qui ils n’arrivent rien.

Je crois bien que ne réussissent vraiment dans la vie que les gens à qui il n’arrive rien, et qui planifient leurs jours comme la trajectoire d’un bateau sur une carte, sans jamais quitter leur boussole des yeux.”

La voiture, déjà un danger avec ses 2 cylindres et 15 CV.

Armand ne doit absolument pas vous faire courir de risque en faisant de la vitesse avec cette Pierce-Arrow (1905). Les journaux disent aussi que l’automobile devient une vraie menace dans les rues américaines, et même sur les routes de campagne.”

Des jardins

Le parc entier a un air très digne, l’arrivée des beaux jours n’est pas saluée par une explosion de bulbes colorés, on n’aperçoit aucun crocus, aucune jonquille, mais seulement ici et là une touche de violet qui tranche sur un fond de verdure persistante, disposée selon une méthode qui n’est jamais qu’une légère discipline imposée à la nature. Je me souviens de ces parterres ovales ou carrés de fleurs serrées les unes contre les autres que l’on voyait à Princes street à Edimbourgh, dont l’arrangement faisait penser à un tapis, et je me demande ce que les Japonais en penseraient. Ils seraient probablement choqués, et considéreraient cette façon de faire comme une insulte à la nature.”

Des rites funéraires et du cricket

On tombe facilement dans l’oubli quand on n’a pas eu d’enfant, comme Marie. Je crois que c’est ce qui terrifie les Japonais, hommes et femmes, c’est l’idée qu’après leur mort il n’y aura pas d’enfant pour réciter des prières à leurs esprits défunts devant l’autel familial.[…] Cela fait autant partie du génie de ce peuple que le cricket pour les Anglais, et c’est tout aussi incompréhensible pour le restant de l’humanité qui n’a pas été élevé dans ce mystère.”

Livre culte, livre 4 étoiles pouvant être lu à partir de 15 ans.

Grand merci à Laurence pour cette découverte.

Lectori salutem, Pikkendorff

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