CHARLES DANTZIG – POURQUOI LIRE ?

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“Ne lisant plus, l’humanité sera ramenée à l’état naturel, parmi les animaux. Le tyran universel, inculte, sympathique, doux, sourira sur l’écran en couleur qui surplombera la terre.”

Pourquoi lire ? Pourquoi lire de la littérature ? Charles Dantzig dissèque la question au fil d’un essai condensé de 244 pages scindé en 76 chapitres signifiants décrivant chacun une situation ou une raison, les lecteurs ou les écrivains : le lecteur égoïste, Lire pour être articulé, Lier le pouvoir, Lire pour apprendre, se consoler, s’isoler ou bien Lire à voix haute, Lire les rides….

Cet ouvrage ouvre autant l’esprit du grand lecteur (plus de 50 livres/an) que du lecteur moyen (4 à 5 livres par an). Aphorismes, phrases chocs, vérités à nu, opinion tranchées, Charles Dantzig ne laissera aucun lecteur indifférent.

Quelques passages

“Un des signes des temps barbares est que l’ignorance n’a plus de honte. ”

“Encore maintenant, rien ne m’indigne comme ce qu’on appelle les arguments d’autorité, qui consistent comme on sait à invoquer une autorité supposée pour faire taire les questions. Ils s’opposent au raisonnement, au merveilleux raisonnement, merveilleux parce qu’il est fondé sur la confiance. Les arguments d’autorité sont fondés sur le mépris. ”

“Je retournai au bonheur des bonheurs, lire. Ah, voilà une autre raison de lire, sans doute. Lire, c’est beaucoup plus intéressant que se distraire.”

“Mon contradicteur, mon frère. On pourrait imprimer un avertissement au dos des livres : «Attention ! Les lectures qui vont trop dans le sens de vos pensées ou de vos goûts peuvent être dangereuses. » ”

“On lit pour comprendre le monde, on lit pour se comprendre soi-même. Si on est un peu généreux, il arrive qu’on lise pour comprendre l’auteur. Je crois que cela n’arrive qu’aux grands lecteurs, une fois qu’ils ont assouvis leurs deux premiers besoins, la compréhension du monde et la compréhension d’eux-mêmes. Lire fait chanter les momies, mais on ne lit pas pour cela. On ne lit pas pour le livre, on lit pour soi. Il n’y a pas plus égoïste qu’un lecteur.”

“Le charme de la littérature est souvent créé par le lecteur en état d’enfance. Beaucoup y restent. Ce sont ceux qui transforment le roman en best-seller. Et les femmes restées des gamines rêvant d’amour mènent à 300 000 des nunucheries qui pansent la douleur d’avoir pour mari un goujat qui mange les coudes sur la table, et les hommes restés des adolescents à idées quittent les émissions de foot sur TF1 pour les romans d’anticipation écrits par des cons apocalyptiques.”

“J’ai éprouvé cette grande loi de la lecture, que le livre ne se donne pas si on le parcourt. Il faut s’abandonner complètement à lui, esprit comme corps, esprit plongeant dans les pages comme la tête.”

“Pour moi, je voulais de l’imprimé qu’on pût souligner et dans les marges duquel on pût suspendre des annotations. On m’avait appris que c’était la meilleure façon de lire et c’était vrai. Un lecteur n’est pas un consommateur qui ferait disparaître les livres en les mangeant. Quand on dit qu’il dévore, l’image est hasardeuse. Un bon lecteur écrit en même temps qu’il lit. Il entoure, raie, met des appréciations dans tous les interstices laissés libres par l’imprimeur. […] un bon lecteur est un tatoueur. Il s’approprie, tant soit peu, le bétail des livres.”

“On a injurié le travail en appelant « civilisation du travail » le système affreux qui régit le monde moderne, ce salariat universel qui semble une forme adoucie de l’esclavage. On aurait dû appeler ça la civilisation du labeur.”

« J’ai essayé de lire Twilight, c’est trop dur. Il reste à Stéphanie Meyer 84 999 999 lecteurs qui ne sont ni bien, ni mal, ils sont nuls. Des dialogues où l’on répond aux questions, « Tu vas au Lycée, Bella ? – Oui, Edward, je vais à l’école » et ainsi de suite, c’est trop d’efforts. Wittgenstein est plus facile. Le manuscrit de Twilight a été refusé par quatorze agents avant d’être publié. Hélas, il y a toujours un quinzième éditeur. L’histoire des succès populaires est faite du quinzième éditeur. Les éditeurs tentent tant qu’ils peuvent de ne pas vendre et de préserver la littérature, rien n’y fait. Ainsi est né Twilight, le premier roman de vampires qui ne soit pas fait avec du sang, mais du navet. »

“La lecture n’est pas contre la vie. Elle est la vie.[…] Elle maintient, dans l’utilitarisme du monde, du détachement en faveur de la pensée. Lire ne sert à rien. C’est bien pour cela que c’est une grande chose. Nous lisons parce que cela ne sert à rien. Quand on pense qu’on peur réussir une carrière dans le CAC40 sans avoir jamais rien lu de sa vie ! C’est pourquoi il faut être gentil envers les puissants qui lisent. Ils pourraient faire autre chose. ”

Offrir en cadeau ce livre répondant à une question essentielle : Pourquoi lire ?

Grasset, 2010, 244 pages de littérature.

Lectori salutem, Patrick

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