Belle écriture formant une musique légère contant l’errance du narrateur, son voyage au bout de sa nuit.
Quête ou enquête bénéficiant d’une magnifique traduction de l’argentin d’Hélène Serrano, ce rêveur détaché de tout, sans morale, sans but et sans racines ; conduit par les évènements, tirant des conclusions sans réflexion, papillonnant orphelin d’un monde, orphelin de sa vie.
Félix Bruzzone me semble éviter le roman militant que son passé pouvait lui imposer, il fait le portrait des enfants de disparus non-militants de la dictature et, par ce recul, cette douceur mélancolique, fait de son premier roman un livre universel pour tous les orphelins du monde ou de leur famille.
Les taupes, los Topos, désigne ceux qui, sous toute latitude, dénoncent, accompagnent, vivent sous les gouvernements autoritaires et dictatoriaux.
Premier roman paru en 2008 chez Mondadori sous le titre Los Topos, Feliz Bruzzone, écrivain argentin né en 76 à Buenos Aires, fils de disparus de la dictature argentine des années 70, enseignant du primaire, éditeur indépendant. L’entretien de l’éditeur Asphalte donne le ton :
Asphalte : Félix Bruzzone, comme le narrateur des Taupes, vous êtes fils de disparus de la dictature. C’est aussi un motif que l’on retrouve dans votre recueil de nouvelles 76. Comment parvenez-vous à utiliser cette thématique à la fois intime et personnelle d’une part, et historique, collective d’autre part ?
Félix Bruzzone : Je m’en sers pour essayer de dérouler, à partir du portrait d’intimités pas très publiques (en Argentines les récits publics d’enfants de disparus sont en général des récits militants, parce qu’on donne toujours la parole à ceux qui font quelque chose sur le plan public à propos de tous ces problèmes de dictature, autrement dit, à des militants), un portrait collectif qui puisse transcender l’expérience d’un fils de disparus et celle de la militance liée aux problèmes de la dictature. Il me semble que c’est une tentative de portrait d’enfants de disparus non militants qui propose aussi une identification à de nombreux autres enfants sans parents, parce que mes récits concernent plutôt la condition d’orphelin. Dans le cas ponctuel des enfants de disparus, à l’origine de cette condition il y a un problème d’ordre nettement politique, mais dans beaucoup d’autres cas, mon récit peut se lire comme celui d’une condition générale d’orphelin de notre génération. Une génération qui a vécu très fortement la désintégration de la famille nucléaire et la perte des parents, mais aussi le manque de références dans presque toutes les sphères publiques (sauf parmi les stars du rock des années 1980 et 1990).
Pikkendorff : L’objectif de l’auteur est atteint.
Les éléments historiques ou géographiques semblent justes. J’imagine que des débats existent en Argentine sur cette période.
Aussi ne puis seulement me prononcer sur trois choses :
- l’écrivain est talentueux,
- son livre n’est pas militant
- et les argentins se font un maté tout le temps !
Editions Asphalte, 16€, 160 pages, format poche.
Lectori salutem, Pikkendorff