“Quelque chose dans la concentration de ces élèves lui rappelait les loups qui chassaient derrière sa colonne au cours de cette interminable retraite hivernale de 1919.”
Le style en un rythme puissant emporte le lecteur, l’écrivain et Korolev au sein de cette matriochka criminelle aux personnages crédibles et solidement campés de cette première enquête de l’Inspecteur Korolev dans le Moscou des années 30. “L’enquête commençait à suivre son propre chemin et il n’était pas sûr d’apprécier ce qu’elle lui réservait.”
Comment enquêter sur cette victime américaine avec le NKVD et la Tcheka sur le dos ; se débarrasser de cette lourde atmosphère de la Révolution schizophrénique et paranoïaque vers le plus beau des mondes avec ses purges, ses trafics d’objets religieux…
“Korolev commençait à se dire que ces sévices étaient peut-être un écran de fumée et que le meurtre avait peut-être un mobile caché. Pourquoi le NKVD n’enquête-t-il pas directement ?”
Nous profitons de l’excellent travail de documentation de William Ryan qui nous intéresse aux origines des clubs de foot de la capitale, le Spartak et le Dynamo, issus de la Milice et de l’Armée Rouge, qui rend réelle cette psychose collective contaminant les relations personnelles et qui, enfin, nous emmène, lecteur otage volontaire, au sein de cette société en pleine mutation.
Cette société où le crime ne peut exister, ou tout du moins temporairement, car ce serait remettre en cause la Théorie. Et pourtant “Ils sont toujours là, les Voleurs et les voyous, les vandales, les assassins, les spéculateurs, les putains et les bandits. En théorie, ils auraient du s’intégrer dans la masse des travailleurs. Et si ça ne s’est pas produit…c’est forcément de la faute de quelqu’un. Évidemment on peut penser que ma tâche aurait été plus simple si la théorie…” Ah la Théorie : Les conditions économiques aliènent la classe des travailleurs rendant la société coupable en lieu et place des criminels. Cette théorie est toujours vivante un siècle plus tard.
La traduction de Jean Esch, professionnel reconnu, m’a déçu. Dès la page 104, je décide de ne plus faire attention à ce français vulgaire moderne et ses “au niveau de”, ses “perdurer” et son manque de rigueur pour ne pas gâcher mon plaisir de lecture. Le relâchement du style, où seule la langue parlée a droit de cité, est le fait de l’auteur britannique. Enfin je l’espère sans l’approuver.
Prenez le temps de vivre ce monde des Voleurs appelé voleurs dans la loi, à qui nos amis de l’Université de Laval du Québec et Gérard Nerva en particulier ont dédié des recherches intéressantes. Cliquez ici
Les Éditions Les deux Terres, 2011, traduit de l’anglais par Jean Esch, 360 pages, 22,50€
Lectori salutem, Pikkendorff