SYLVAIN GOUGUENHEIM – ARISTOTE AU MONT SAINT-MICHEL (LES RACINES GRECQUES DE L’EUROPE CHRETIENNE)

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« Il n’est pas aisé ni anodin, de passer du grec à l’arabe – que ce soit ou non par l’intermédiaire du syriaque-, puis de l’arabe au latin. Quel texte philosophique, quel raisonnement scientifique peuvent sortir indemnes de telles transformations répétées où, non seulement le vocabulaire, mais la pensée, exprimée par la syntaxe, basculent d’un système indo-européen à un système sémitique avant de faire retour à l’origine. »

Le défi : Pendant un moment politique sensible, écrire un ouvrage à l’attention de la communauté des historiens et un livre de vulgarisation portant sur la période peu approfondie des VIIème au XIIIème siècles avec comme thème la communication des savoirs entre l’Islam et la Chrétienté avec leurs impacts sur les deux civilisations.

« Le livre en chrétienté est comme l’eau, comme le sang : il irrigue la vie de l’âme. » Monique Dosdat

La manière : Loin de rechercher un affrontement, Sylvain Gouguenheim apporte des clefs de lecture avec les données de l’époque permettant à l’honnête homme de nourrir sa réflexion. La lecture du livre rendra le monde plus compliqué et c’est très bien comme ça ! Ce vrai travail intellectuel a été l’objet d’une vindicte de la part du petit monde intello-médiatique. Le débat en trois documents : Synthèse solide par Gil Mihaely. Alain Finkielkraut défend la liberté de recherche et entretien avec l’auteur sur l’Express.fr.

La thèse politiquement correcte : Le Moyen Age est une période noire pendant laquelle l’Islam a développé les sciences et la philosophie en une époque appelée l’Islam des Lumières. De plus les musulmans ont traduits les textes grecs et les ont apportés à l’Europe.

La question qui dérange : Si nous sommes si assurés de l’intégration du logos des Grecs dans le monde abbasside. Quelles répercussions cette disputatio a-t-elle eu dans la religion musulmane, dans la société musulmane et chez les lettrés de langue arabe toutes langues confondues ? A partir de la réponse, l’Occident pourra accepter de se poser la question d’une dette. Le débat est lancé…

Pourquoi cette recherche des origines grecques ? La personne humaine est un concept grec. Le mode de pensée grecque a structuré la pensée occidentale dans son essence. L’Italie du sud d’alors est grecque. A Constantinople, sur plusieurs siècles, les réfugiés de la conquête mahométane sont des lettrés de langue grecque. Les Evangiles furent écrits en grec. Les Papes de 685 à 752 sont tous grecs. Les lettrés, souvent liés aux Eglises, parlent et écrivent grec. Les Pères de l’Eglise réfléchissaient à l’aide des catégories logique de la pensée grecque : Ils étaient les héritiers du logos.

Important : Le savoir médiéval a ceci de différent avec le savoir moderne qu’il n’est partagé que par une poignée d’individus, quelques dizaines d’hommes par siècle au sein de population de plusieurs dizaines de millions d’individus. Peu de gens savent lire aussi Internet est relativement peu utilisé.

Définissons la Science voulez-vous?
Développée depuis le XVIème, la Science moderne a trait à l’abstraction mathématique, à la physique ou aux sciences naturelles. L’Europe seule a mené ce travail et à ce titre l’on peut dire, qu’elle a créé la science moderne par des innovations radicales de ce qui a été fait antérieurement par les Chinois, Indous, Grecs ou Arabes.

L’Islam accueille la science et la sagesse. Said al-Andalusi dresse l’éloge du Calife Al-Mamûn entouré de savants : « Telle fut jusqu’à la fin la manière d’être de ce calife avec tous les érudits, les jurisconsultes, les traditionnalistes, les théologiens rationalistes, les lexicographes, les annalistes, les métriciens et les généalogistes ». Mais il s’agit là des savants au sens musulman, les savants du Coran. En effet le Coran se propose de couvrir l’ensemble des règles de vie d’une société, d’une civilisation. Par exemple l’on distingue rien de moins que quatre territoires avec des règles différentes – Dar al-Islam, Dar al-Harb (territoire de la guerre), Dar as-Suhl (territoire du tribut) et de nos jours les juristes islamistes ont développé la notion de Dar ad-Da’wa (territoire de mission). Il est donc impératif de trouver des ulémas, des juristes, des historiens, des traditionalistes pour les hadith, des théologiens rationalistes pour l’exégèse coranique, des lexicographes pour la lecture du Coran et des généalogistes pour les biographies ou Tabaqat. Les écrits grecs et les nouvelles découvertes sont contrôlés par ce filtre de la religion révélée et de ses gardiens. Des guerres internes ont été nécessaires pour arriver à un statut quo. La remise en question n’est pas à l’ordre du jour. A cette lumière, lisons ce passage du Discours décisif d’Averroes :

« Nous, musulmans, nous savons de science certaine que l’examen par la démonstration n’entraînera nulle contradiction avec les enseignements apportés par le Texte révélé, car la vérité ne peut être contraire à la vérité, mais s’accorde avec elle et témoigne en sa faveur. ».

L’Islam des Lumières. Tous Arabes et Musulmans ?
La doxa ne précise pas qui fait partie des savants de l’Islam des Lumières sauf à citer toujours les mêmes trois ou quatre noms. Et qui sont Hunayn ibn Ishaq, Yûhannâ ibn Quaylan, Ibrahim al-Marzawi, Abu Bishr Matta ibn Yunus, Ibn attal, Abu Akham, Furat ibn Shahnata, la famille Bakhtîshu (médecins des califes de Bagdad pendant 3 siècles), Yûhannâ ibn Masawayh, Al-Harrani, Hubaysh ibn al-Hasan al-A’sam, Ibrahim ibn Salt, Abu Qurra…

Le lecteur sera surpris de découvrir que les conquérants utilisent les compétences des arabes chrétiens et des chrétiens arabisés. N’apprenant pas les langues étrangères, inutile puisque l’arabe se suffit à lui-même, les dirigeants n’auront pas accès directement aux textes grecs et utiliseront les services des Nestoriens ou des Juifs. Ces lettrés, parlant le syriaque et le grec, deviendront incontournables pour la haute société entraînant des troubles avec la populace. Savants, traducteurs, médecins, que ce soit chez les Abassides ou chez les Almoravides, nos oreilles modernes ne l’entendent pas mais ils sont Nestoriens, Sabéens, Juifs ou chrétiens.

Les circuits de transmission seront étudiés de près et nous serons étonnés de voir combien l’Empire Romain d’Orient a été évacué de l’Histoire de l’Europe. Et pourtant combien de manuscrits sont passé par ces mains, combien les lettrés furent des passeurs de savoir, combien leurs villes furent lieu d’accueil et surtout leurs bibliothèques !

De l’effort de traduction. L’ouvrage de Sylvain Guguenheim va s’attacher à faire découvrir les sources de savoir, les processus de traduction et l’évolution des partis en présence au fil des siècles étudiés. Dans ce cadre nous découvrirons le scriptorium du Mont Saint Michel avec le célèbre Jacques de Venise et aborderons dans le détail les points essentiels de la traduction, des sources, de la qualité, des ressources financières, des commanditaires…

Si il est une dette, Le monde Occidental l’a doit en tout premier lieu à l’Empire Romain d’Orient, à la deuxième Rome, Byzance-Constantinople ! Un jour l’Orient musulman se penchera sur sa dette envers l’Orient chrétien et se posera la question du pourquoi.

De nombreuses annexes permettant de rendre la lecture facile tout en laissant la possibilité de retrouver ces petits.

  • Annexe 1, 4 pages à propos d’un des livres-clefs des tenants de l’Islam racine de l’Europe Le soleil d’Allah illumine l’Occident de Sigrid Hunke
  • Annexe 2, 4 pages donnant la liste des savants, médecins et traducteurs arabes chrétiens ou juifs
  • Annexe 3, 5 pages du corpus latin d’Aristote, l’ensemble des traductions d’Aristote du grec ou du syriaque vers le Latin
  • Annexe 4, 46 pages de Notes précisant les sources et parfois le contexte
  • Annexe 5, 15 pages d’un Bibliographie sélective incluant des lectures pour les spécialistes

Seuil, Collection L’Univers Historique, Mars 2008, 200 pages.

Lectori salutem, Patrick

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