« Alors sûrement vous en conviendrez, par définition un être parfait qui se suffit à lui-même n’a pas de besoins, ni d’insuffisance, ni de souhaits, ni de volontés, n’est-ce pas ? Alors je suggère qu’il n’y a pas volonté de Dieu en ce qui concerne le comment, ni même le pourquoi Le glorifier. Donc permettez-moi Jacob, d’aimer Dieu à ma façon. »
Amsterdam 1656, Baruch-Bento-Benedictus-Benoît Spinoza détruit les idoles et les obstacles créés par les hommes de pouvoir entre la nature divine parfaite et l’homme. Il fallait être un génie en 1656 pour penser hors de son siècle. Quatre siècles plus tard, mêmes causes, mêmes effets. La kalashnikov purificatrice venge au nom d’un Dieu parfait.
Reval, Estonie, 1910, Alfred Rosenberg ressemble à tout le monde et à personne. Dans huit ans il quittera Reval pour Munich et deviendra un prolifique journaliste antibolchevique et antisémite. Dans neuf ans il adhérera au NSDAP à la suite de Hitler, dans vingt ans il mettra un point final à son ouvrage, le Mythe du XXème siècle, 1 million d’exemplaires vendu et fondement idéologique du parti nazi. Alfred Rosenberg avait acquis la bibliothèque de Spinoza…Tout sépare les deux hommes. Pourquoi ?
Le problème Spinoza est tout à la fois le problème posé par la liberté de penser de Baruch au sein de sa communauté et celle de Rosenberg découvrant que la relation intellectuelle que Goethe, le génie allemand impérissable, entretenait avec le juif Spinoza. Et une facilité déconcertante, Irvin Yalom nous introduit à la philosophie d’un génie de la liberté, Spinoza, par le truchement des contradictions d’un monomaniaque à la pensée fausse, image moderne du malin, Rosenberg.
Liberté de questionner les textes même sacrés
Adam est le premier homme. Il connut Eve qui lui fit deux fils Caïn et Abel. Caïn, meurtrier de son frère, chassé par Adam, se réfugie sur la terre de Nod et il connut sa femme…Si Adam est le premier homme, de qui est née cette dame que son fils a épousé ?
Messages pour notre postérité
Le vrai bonheur n’est pas lié aux biens périssables. Il ne réside pas à l’extérieur, mais à l’intérieur. C’est l’esprit qui décide de ce qui est inquiétant, sans valeur, désirable ou inestimable, et donc l’esprit, et l’esprit seul qui doit être changé.
1562, Sébastien Castellion luttait les dictats du calvinisme à Genève avec ses mots.
“La postérité ne pourra pas comprendre que nous ayons dû retomber dans de pareilles ténèbres après avoir connu la lumière.” Sébastien Castellion in De arte dubitandi (l’art de douter)
Clin d’œil puisque c’est Stefan Sweig, en 1936, qui posera la question de l’humain et du politique, de la personnalité et de la communauté, de la liberté et de la tolérance. Lire la chronique de Stefan Sweig – Conscience contre violence ou Castellion contre Calvin.
Enseigner ou endoctriner, les religions et les idéologies ont compris la méthode
Enseigner la doctrine à des adultes est une tâche difficile. Il n’est que trop sensible à la leçon que tous les professeurs de religion ont finalement compris : il est capital de former les élèves dès leur plus jeune âge.
Du rôle des chefs religieux.
Je crois que les chefs religieux s’éloignent de leur mission spirituelle en se mêlant de ce qui relève de la politique. Votre autorité et votre rôle de conseil doivent se limiter à la piété de chacun et à sa vie intérieure.
De la recherche des honneurs, l’esprit, toujours l’esprit.
Plus on en possède, plus on éprouve de la joie. Et pour y parvenir il faut nécessairement régler notre vie selon le niveau ordinaire des hommes, c’est à dire fuir ce que fuit le vulgaire, rechercher ce qu’il recherche.
Offrez autour de vous le livre salvateur de Irvin Yalom. Un cri, une douleur, une espérance, un chant vers l’esprit…L’esprit seul doit être changé pour qu’un jour nos murs tombent.
Merci Laurence de cette lecture roborative et éclairante.
Traduit en 2012 par Sylvette Gleize pour les éditions Galaade
Galaade Editions, 8€ d’intelligence rassemblée dans 500 pages de livre de poche.