« J’ai appris à Tokyo à fermer les yeux, sitôt assis sur une banquette de train, de bus ou de métro, dans les salles d’attente en tout genre, les salles de cinéma où l’on va seul, avant le film, les laveries automatiques et parfois sur les quais. Non pas dormir, non. Seulement atténuer le dehors, ses néons, ses visages sans nombre. Jachère de l’âme, dormance des pensées, communauté de l’oubli. »
Cent délicates pages d’une prose poétique ouvrant l’esprit à la rêverie. Ecartez une page au hasard, lisez à haute voix l’un de ces délicieux passages, écoutez le souvenir des choses apprises de vos pères, de vos mères, par surprise ou par passion, d’un maître ou d’un passeur qui s’en est allé. Depuis les premiers pas, les premiers mots, depuis le tout début nous ne cessons d’apprendre.
Extraits
« Depuis que mon ami Gérald S. m’a appris que nous sommes incapables de faire la différence entre les souvenirs de nos rêves et ceux que l’on garde de notre passé, je ne suis plus très sûre de ce dont je me souviens. Ma vie serait un rêve. »
« Il y a des cœurs solitaires mais c’est Madame Voisine, mon institutrice, qui m’a appris que certains mots le sont aussi. Simple, triomphe, quatorze, quinze, pauvre, meurtre, monstre, goinfre et larve ne riment avec aucun autre nom commun. »
« Ma mère et quasiment le monde entier m’ont appris à prendre sur soi. Maintenant que je suis grande, j’essaie de désapprendre. »
« N’apprend qu’avec réserve. Toute une vie ne suffit pas pour désapprendre, ce que naïf, soumis, tu t’es laissé mettre dans la tête – innocent ! – sans songer aux conséquences. » In Poteaux d’angles d’Henri Michaux
Elena Janvier est un heureux trio de trois jeunes Françaises ayant vécu au Japon. Par vécu, il faut entendre ayant ri, aimé, voyagé, ayant rencontré mille personnes, s’étant étonnées de mille choses et de mille lieux, s’étant attristées parfois, mais avec légèreté, et une grâce semblable à celle des feuilles d’érables qui glissent sur la rivière.
Arléa, Avril 2013, 114 pages pour un léger 16€
Lectori salutem, Patrick