Que du bonheur, Dieu est mort, on a tout donné, à en croire les statistiques, ces locutions préfabriquées pullulent tuant le débat et la liberté. L’auteur exorcise, dissèque, autopsie 300 de ces lieux communs souvent d’origine journalistique pour le plus grand plaisir des esprits encore libres.
300 poncifs tels que Mon ressenti, nauséabond, l’animal que nous sommes, Dieu est mort, écrivain engagé, je suis plutôt de gauche, une chance pour la France, la communauté internationale, défavorablement connu des services de police, ça fait polémique, à en croire les statistiques, faire payer les riches ou encore les américains sont de grands enfants
Dès la page 10, le décor est planté : Une pensée profonde et radicale exprimée clairement par de belles et vigoureuses longues phrases aux nombreuses subordonnées.
«C’est le travail de l’écrivain que de non seulement éviter ses poncifs, mais d’en proposer l’exégèse, l’exorcisme, voire l’autopsie, car les lieux communs, le plus souvent journalistiques, révèlent ce cadavre de langage qu’on appelle l’opinion publique, ou la Doxa, cette épouse, morganatique du journalisme, lequel fait puer les mots, comme le prévoyait Nietzsche, qui n’entrevoyait pas l’universel devenir-journalistique de la littérature, ni la collectivisation du mensonge, y compris chez les philosophes et des écrivains trop ostensiblement épris de vérité pour n’être pas des serviteurs du mensonge.
La presse est bien une quotidienne violence faite à la langue et une blessure constante de la vérité.
Que l’ennemi est gagné, que Satan marche dans la main, avec des abbés apostats ou laïcisés, et que le Bien ait établi son empire sur l’inversion générale de toutes les valeurs, surtout chrétiennes, c’est un fait qui ne doit pas cependant pas faire de nous des vaincus. Notre souci de vérité, notre refus de la propagande et du simulacre, nous laisse le scrupule, c’est-à-dire, étymologiquement, le petit caillou qui, glissé dans la chaussure, gêne la marche du petit-bourgeois universel, libéral, narcissique, vertueux, et enfin de compte nihiliste, qui a remplacé le bourgeois de Bloy, encore qu’il s’agisse du même cochon, qu’il soit européen ou musulman, pour parler comme l’auteur du Désespéré. » (page 9 – 10)
Dieu est mort
« En quoi cette énoncé nietzschéen est-il devenu un cliché ? Effet d’annonce au ton néo- évangélique, dans Ainsi parlait Zarathoustra , toujours coupé de son contexte et de sa complexité (« Nous l’avons tous tué. »), que Nietzsche développe autrement dans Le Gai Savoir, où il dit que cette mort est un « évènement récent » qui révèle que « la foi dans le Dieu des chrétiens n’est plus digne de foi », cette « nouvelle », donc, est devenu une incantation antichrétienne, marquant plus précisément la haine du catholicisme – soit la chose du monde, la mieux partagée, des libres penseurs aux imbéciles (les mêmes, en vérité), et des jihadistes aux « communicants » et « influenceurs » de tous bords, lesquels sont bien sur incapables de relier la phrase de Nietzsche à celle de Dostoïevski, dans les frères Karamazov : « si Dieu n’existe pas, tout est permis », encore moins de voir l’accomplissement du nihilisme occidental et du règne de Satan, qui se porte mieux que jamais sous le nom même de du Bien. » ( page 35)
Ça fait polémique ( et sa variante ça fait débat)
« En vérité (j’en sais quelque chose), quand ça fait (vraiment) polémique, c’est-à-dire scandale, on est condamné d’avance, et à jamais, même « en présentant des excuses », cette variante de l’autocritique stalino-maoïste, l’époque ne tolérant pas d’exception : c’est l’actualisation de la victime émissaire théorisée par René Girard et dont le mécanisme de violence unanimistes est plus que jamais à l’œuvre dans l’univers du Bien, lequel créé ses épouvantail (« extrême droite », « racisme systémique », « chauvinistes mâles », « écrivains et penseurs déviants », pour faire fonctionner, mieux que jamais, un monde d’esclaves de larve, dont le consentement, lui, ne saurait faire débat. » (page 85-86)
Les américains sont de grands enfants
« Du moins, le semble-t-il, pour peu qu’on ne confonde pas l’aisance donnée par la toute puissance politique et la vulgarité vestimentaire ; par l’assurance aussi d’incarner la démocratie planétaire, les États-Unis travaillant à diviser le monde pour mieux y régner, depuis les nations sous-développées jusqu’aux pays de l’Union européenne, quand ils ne détruisent pas, comme ils ont fait de l’Irak, au prix d’un mensonge qui est un crime d’État, avec les conséquences que l’on sait : terrorisme, guerre civile, instabilité chronique, exode des chrétiens, etc., ses grands enfants, étant, de fait, comme les Russes, comme l’État islamique, des agents de destruction massive. » (page 183-184)
N’hésitez pas à lire cet acte de survie intellectuelle et spirituelle d’un franc-tireur.
Éditions La Nouvelle Librairie, mars 2024, 220 pages, 21,90€
Lectori salutem, Pikkendorff