Court magnifique poème en prose en cinq actes de moins de 110 pages. Précis, concis, rêveur, contemplatif. Des souvenirs épars, des bribes de vie, les lumières, les silences, les couleurs s’entrecroisent pour faire naître une poésie délicate, sauvage, triste. Ce bateau-livre, ivre de nostalgie, nous emporte sur son rythme lent et puissant pareil à la houle de l’océan si présent, du présent au passé, de Jean à l’Ile.
Jean, décrit comme par pointillés en trois endroits du livre, “le front très brun, les yeux brillants entre deux rangs de cils noirs, si long que je pensais à du maquillage, ou à une photographie retouchée” et aussi “Le haut front, la franche cassure du nez. Une lente dépression dans les moments de silence” ou encore plus beau “La grande douceur des yeux. Rêveurs ? Fixant gravement, avec une ironie tendre, des lointains inexistants.”
Jamais nommée, omniprésente, la Bretagne avec les Sept îles, la pointe du Château, le vieux maraudeur Gwendal sans oublier la mer, la nature : “Le soleil tinte dans les aiguilles du pin, éclate sur le houx et envahit d’une lumière tapageuse la chambre où j’écris. La blancheur de la page me parle de voiles que l’on hisse et de ce matin où la terre est apparut comme un mirage.”
Ou bien “Une frange incandescente se propageait à l’est, le long de l’escarpement qui abritait notre mouillage. Ces impressions lumineuses se superposaient à la vision persistante d’un phare abandonné, de son promontoire déchiqueté, ourlé d’écume, et d’une plate-forme d’herbe et de granit. L’île jaillissait comme une émeraude brut de l’océan désert, il n’y avait que cette terre et ce rocher au monde.”
Jean a brûlé les derniers instants de sa vie laissant une trace indélébile dans le cœur et l’âme comme le résume cette magnifique parabole : “Jean a brûlé les dernières feuilles du marronnier sur la rive. Le feu craquait mais les flammes n’étaient visibles que par la chaleur de l’air, le tremblement des acacias couvrant la petite ile. La fumée s’est répandue à la tombée du jour, les braises rougeoyaient : au matin, les cendres dessinaient un cercle parfait dans l’herbe, comme une marque au fer, de la largeur d’un puits.”
Une découverte extraordinaire, une lecture inoubliable, ne passez pas à coté de ce petit chef d’œuvre. Je pars derechef à la découverte de son premier roman Le cheval de nuit,
Chez Arléa, Août 2010, 110 pages
Veuillez noter que ce livre a été chroniqué dans le cadre du partenariat Rentrée Littéraire 2010 avec Chroniquesdelarentreelitteraire.com et Ulike
Lectori salutem, Pikkendorff