« *Il est au pouvoir de la personne de s’étendre, de s’augmenter et même en partie de se créer…La personne est un être capable de tirer de soi-même plus qu’il n’y a effectivement en lui, chose à peine intelligible dans le monde matériel, mais qui existe dans le monde moral. »
Au début du siècle dernier, alors que les ismes – scientisme, laïcisme, modernisme, scepticisme – font florès et que le doute et les sophistes règnent, vint Henri Bergson frayant un chemin dans les impasses de la modernité, un chemin offrant une issue sans déterminer ou acheminer, un chemin improvisant et innovant à chaque instant.
- « Il y a des pensées qui acheminent, ce sont les philosophies du système, dont on connaît le terme, avant même que l’on soit engagé dans leur commencement.
- Il y a des pensées qui se développent et qui laissent augurer d’un progrès, mais le sens de la marche, son rythme et son temps, tout en laissant le terme indéfini, en sont en quelques sortes programmés, ce qui ne laisse que faible cours au libre jeu de l’esprit.
- Il y a des pensées ouvertes qui ne préjugent pas plus de leur démarche et de leurs étapes que de leur terme, puisque tout instant de leur évolution peut être créateur ; ces dernières qu’habitent l’imprévisibilité de l’esprit, nous entraînent dans leur dynamisme et ne nous obligent à rien d’autre qu’à une créativité à la mesure de la vie : elles innovent et improvisent sans cesse.
C’est d’elles que relève l’ouvre de Bergson, qui, par ce qu’il ne fut ni Hegel nin Newman, initia ce chemin de créations successives qui rendit son élan à la pensée occidentale au seuil du XXème siècle.
L’ouvrage collectif de Jean-Baptiste Échivard, Henri Hude et Pierre Magnard, après une explication des fondements de la philosophie de Henri Bergson détaillant son ancrage dans le réel et son innovation permanente, met en perspective l’intelligence et l’intuition pour mieux expliquer la dimension spirituelle de Bergson introduisant dès lors les fondements de sa presque conversion au catholicisme.
De la mise à l’index de trois de ses ouvrages en 1907 à la presque conversion de ce polonais juif en 1941 au moment où ses coreligionnaires sont en but à des persécutions inédites, voilà un sujet d’étude parfaitement couvert dans la deuxième partie du livre, celle de la convergence du Dieu métaphysique et du Dieu mystique.
« **Le but de notre recherche n’est-il pas de retrouver le réel, de modeler notre esprit sur lui, afin de tâcher de le comprendre ? Le réel m’apparaît comme une forêt immense, semée de beaucoup d’obstacles, à travers laquelle le chercheur, pareil à un bucheron, ouvre des avenues. Beaucoup de ces avenues aboutissent à des impasses. Mais il arrive quelques fois que deux d’entre elles se rejoignent : alors on y voit clair, et de cette convergence naît pour l’esprit de sentiment de la vérité.
Cette prudence ne nous interdit pas de dépasser les faits : la convergence de deux lignes de visée nous incite à le faire, en nous montrant un au-delà de l’observé et de l’observable : mais alors il faut bien marquer qu’on dépasse les faits.
C’est ainsi que j’ai été amené à dilater ma pensée sans jamais quitter le réel. Il faut dilater indéfiniment sa pensée avec le réel. »
Si l’ouvrage est savant ne s’offrant pas aisément au grand public, le lecteur attentif se passionnera pour cette voie de la sagesse par une interrogation spécifique du réel alors que les sophistes règnent de nouveau sur la pensée et le monde occidental.
« Bref nous sommes libres quand nos actes émanent de notre personnalité entière, quand ils l’expriment, quand ils ont avec elle cette indéfinissable ressemblance qu’on trouve parfois entre l’œuvre et l’artiste. »
Citations de Henri Bergson
* Histoire de la pensée occidentale de Henri Gouhier, page 97 à l’occasion d’une conférence à Madrid en 1916
** Dans un entretien du 7 Février 1922 cité dans Entretiens avec Bergson de Jacques Chevalier, 1959, page 40.
*** in Essai sur les données immédiates de la conscience, Henri Bergson, page 129
Les Presses Universitaires de l’IPC, Collection Dialogue, 105 pages pour une aumône de 12€
Lectori salutem, Patrick