« Les représentants de la vieille gare de prussienne, avec leur monocle et leur menton hautain. Les hommes d’affaires en noir, nerveux, souriants électriques. Et bien sûr les nazis, avec leurs uniformes couleur de diarrhée et leurs ceintures qui n’arrêtaient pas de couiner comme un garrot de cuir autour de votre cou.
Heureusement, il y avait les femmes. Elles étaient aussi souples que leurs maris étaient raides, aussi souriante qu’ils étaient figés, aussi légères qu’ils étaient lourds. Au sens propre, elles étaient la vie, ils étaient la mort. » page 29
Magnifique ! Superbe ! Histoire, thriller et polar réunis pour le plaisir du lecteur !
La noirceur de l’univers de JC Grangé illustrée dans ces superbes romans « Les rivières pourpres » ou « Le vol des cigognes » m’a éloigné de cet excellent écrivain jusqu’à ce que, sans y penser, contre un billet de 10€, je mette ce poche de 800 pages dans ma pile à lire de l’été contre un billet de 10€.
Berlin, fin août 1939, dans quelques jours l’Allemagne va envahir la Pologne, dans une ambiance paranoïaque et violente, plusieurs femmes de l’élite nazi sont assassinées selon le même affreux modus operandi. L’enquêteur de la police a disparu, probablement assassiné. Le dossier brûlant, politique, mortel même est confié à la Gestapo. « Au-delà des meurtres, au-delà de la personnalité des victimes, il y avait quelque chose qu’il ne fallait pas découvrir. »
Les circonstances vont réunir trois personnages magnifiques avec un quatrième : Berlin des années 30 où règnent violences, débauches, argent :
- Simon Kraush, le psychiatre, petit, beau, dandy,
- L’Hauptsturmführer Franz Beeween, élite de la Geheim Staatspolizei, la mort, la violence, le monde concret, le monde actuel
- La belle Minna von Hassel, menue, brune, célibataire, alcoolique, née baronne, abandonnant la richesse pour devenir une psychiatre géniale se consacrant aux laissés-pour-compte,
Attention, malgré un extraordinaire travail de documentation pour lequel l’on ne remerciera jamais assez Jean-Christophe Grangé, il s’agira de ne pas lire cet excellent livre comme un livre d’histoire mais comme un thriller baignant dans une ambiance mortifère superbement rendue.
En effet si les personnages historiques, les organisations, les détails sur les banques, l’art ou la drogue, les femmes et le NSDAP et les évènements en général non seulement existent bel et bien mais sont excellement contextualisés, le régime nazi est diabolisé sans apporter de contrepoints, de nuances, expliquant les engagements, passifs ou actifs, des élites occidentales, politiques ou du monde des affaires, dans la prise de pouvoir de cette abomination qui détruisit jusqu’à l’espérance.
Sans ce travail et cette recherche de contextualisation globale, l’efficacité aveugle de la technocratie, le pouvoir des indicateurs chiffrés et la technique sans âme, la banalité du mal de Hannah Arendt retrouvera le chemin du pouvoir diabolique sur les choses et les gens. Serait-ce l’origine de la maladie de nos démocraties libérales au XXIème siècle ?
Exemple parmi d’autres :
L’auteur dénonce avec raison l’usage immodéré des amphétamines, pervitine pour être exact, rendant les soldats allemands agressifs et performants. Mais comme Norman Ohler dans son livre « l’Extase totale, le IIIème Reich, les Allemands et la drogue » (La Découverte, 2016), les anglosaxons furent aussi sous l’emprise des amphétamines, la benzédrine. Rien de bien nouveau cependant. Comment un être normal, pâtissier ou comptable, irait dessouder son prochain inconnu sans avoir été saoulé de propagande, d’alcool ou d’amphétamines ?
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/08/20/allies-et-nazis-sous-amphetamines-pervitine-et-benzedrine-drogues-de-combat_5501050_3246.html
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Lectori salutem, Pikkendorff