Ota Pavel – Comment j’ai rencontré les poissons

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« À cette époque, la chair grasse et goûteuse des carpes nous était indispensable, pour nous, comme pour le troc. Pour les échanger contre de la farine, du pain et des cigarettes pour maman. J’étais resté seul avec maman, les autres étaient au camp de concentration. » (page 121)

Un livre à choisir les yeux fermés : tchèque, pêche, guerre, humour.

D’un ton léger, la vie dans ce petit village tchèque au mitan du siècle dernier s’écoule entre joies et malheurs sans jamais entamer l’égale humeur de l’auteur et par-là celle du lecteur. Car qu’on se le dise, si l’auteur était un dépressif notoire, curieusement, disons très fort : « Oui, c’est le bouquin le plus antidépressif du monde ».

De la littérature, la vie, l’existence avec, en fil rouge, les poissons, passion paternelle : « La pêche m’avait appris la patience et les souvenirs m’aidaient à survivre ».

Un livre à choisir les yeux fermés : Initiative de ma libraire Lucille de La Suite à Versailles 
Caché sous le papier cadeau, prix unique de 10€ et une petite note de quatre mots : tchèque, pêche, guerre, humour. Et ça marche !

« À cette époque, la chair grasse et goûteuse des carpes nous était indispensable, pour nous, comme pour le troc. Pour les échanger contre de la farine, du pain et des cigarettes pour maman. J’étais resté seul avec maman, les autres étaient au camp de concentration. » (page 121)

« On conservait ces poissons dans une cuve en pierre dans la cave froide sous le coteau. Du nanan. Quand quelqu’un tombait malade au village, il venait chez nous chercher des poissons marinés. Et les gens en bonne santé venaient aussi. Mais les visiteurs les plus fréquents avaient la gueule de bois. Les poissons marinaient dans la cuve du printemps à l’automne, ils s’affinaient avec le temps, et les arêtes se désagrégeaient. Ils étaient froids partant de grande chaleur, tièdes en hiver. Les réjouissances ne connaissaient pas de faim, comme si toute la vie était un carnaval. » (page 67-68) 

Ce monsieur commença à lui faire la cour, et, au milieu de la danse, il lui dit :
– Vous êtes tellement belle, en la mangeant des yeux.
Maman souris, quelle femme n’aurait pas été flatté
e ?
Et alors, ce beau, monsieur ajouta :
– Mais je voudrais savoir, qu’est-ce que vous avez de commun avec ce 
Juif ?
– 
Trois enfants, répondit maman qui termina la danse et revint s’asseoir auprès de papa. (page 185)

« À cette époque, la chair grasse et goûteuse des carpes nous était indispensable, pour nous, comme pour le troc. Pour les échanger contre de la farine, du pain et des cigarettes pour maman. J’étais resté seul avec maman, les autres étaient au camp de concentration. » (page 121)

« Pour cesser d’aspirer à la liberté, il me fallait renoncer à la beauté et me dire que le monde était aussi plein de saleté, de dégoût et d’eau trouble.
J’arrive enfin au mot juste : liberté, 
La pêche, c’est surtout la liberté. Parcourir des kilomètres en quête de truites, boire à l’eau des sources, être seul et libre au moins une heure, un jour, ou même des semaines et des mois. Libéré de la télévision, des journaux, de la radio et de la civilisation.
Cent fois j’ai voulu me tuer quand je n’en pouvais plus, mais je ne l’ai jamais fait.Dans mon subconscient, je voulais peut-être embrasser une fois encore la rivière sur la bouche et pêcher des poissons d’argent. La pêche m’avait appris la patience et les souvenirs m’aidaient à survivre. » (page 267, dernière page, dernier paragraphe)

Barbora Faure, traductrice de l’ouvrage depuis le tchèque , confie au magazine Le Matricule des Anges ses impressions dans un excellent article  : « Ce qui importe dans ce recueil, c’est le tissu des relations humaines, l’atmosphère et le milieu social dans lequel baignent les protagonistes, et surtout le portrait qu’Ota Pavel fait de lui-même et de sa famille, tout en délicatesse, teintée d’une ironie légère. » https://lmda.net/2017-03-mat18109-chronique_traduction

Très belle postface de Mariusz Szcygiel traduite du polonais par Margot Carlier nous ouvrant un peu plus à l’univers de l’auteur. « Ce livre, je l’ai déjà offert à 24 personnes. Parmi lesquelles un policier, une femme de ménage, une enseignante et aussi le fils de l’un de mes cousins, qui avait étudié la mécanique dans un lycée professionnel et n’avait jamais lu un livre de sa vie, jusqu’au jour où il a eu envie d’essayer. Tous ont été sous le choc. « Oui, c’est le bouquin le plus antidépressif du monde ».

Ota Pavel (1930 – 1973)
Excellent article sur le site de son éditeur français, les éditions DO, résumant la dure vie de l’auteur, hospitalisé 16 fois pour sa dépression et écrivant des livres antidépressifs !

Edition originale en 1971 sous le titre MRT KRÁSNÝCH SRNCŮ

Gallimard, Folio, 2020, traduction française en 2016 pour les éditions Do, 266 pages, 8,90€

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Lectori salutem, Pikkendorff

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