Gaël Faye – Jacaranda

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« Finalement j’ai pu changer mes euros sur le boulevard, et dans un café tenu par un Burundais plongé dans un livre du sociologue Émile Durkheim, et j’ai pris un thé chaï bien épicé avec des beignets. » (page 119)

Extraordinaire ! Dépassant de très loin sa propre histoire, de sa plume délicate et poétique, Gaël Faye nous entraîne au Rwanda, au pays du lait et du miel, là-bas entre le lac Kivu et les hauts plateaux du Kagera pour explorer l’existence, nous proposant ainsi un roman comme le décrit si bien Milan Kundera. 

« Tu viens ici en touriste et tu repartiras en pensant avoir passé de bonnes vacances. Mais on ne vient pas en vacances sur une terre de souffrance. Ce pays est empoisonné. On vit avec les tueurs autour de nous et ça nous rend fous. Tu comprends? Fous ! » (page 89)

Rien d’étonnant alors que le jeune héros se prénomma Milan ! Ce jeune métis, un pied en France, un pied au Rwanda, hésitant entre la royale Versailles et le bouillant quartier Nyamirambo de Kigali, métis ici, muzungu là-bas, nous conte ce voyage dans la mémoire de quatre générations, avec la vengeance et les Gacaca, pour l’amour et la famille, au nom de la liberté, la mort et la vie, en bref un roman depuis soi, depuis le Rwanda pour s’ouvrir à l’universel. 

Le lecteur des ces lignes pourra faire son profit de livre de Slobodan Despot

  • « Mais regarde, tout le monde me fixe, c’est flippant ! Pourquoi ils font ça ?
  • Ha ça…C’est parce que tu est blanc.
  • Blanc ? Pas du tout. JE suis autant blanc que noir.
  • Qu’est-ce que tu racontes ? T’es blanc. Pur blanc. Comme ta mère d’ailleurs. C’est une Noire devenue blanche.
  • N’importe quoi…Ma mère est aussi noire que toi.
  • Ta mère, rien qu’à ses manières sa démarche, ses habits, on sait très bien qu’elle est blanche. C’est comme toi, tu ne peux pas le cacher. Faut accepter, c’est tout, pas besoin de se vexer.
  • Je ne suis pas vexé. Je dis simplement que je suis métis.
  • Quoi ?
  • Je suis métis.
  • Ah oui, métis. Oublie ça. Tu es un  muzungu. Blanc comme neige, c’est tout. Métis, ça n’existe pas. » (page 58)

L’exploration de l’existence
S’il est vrai que la philosophie et les sciences ont oublié l’être de l’homme, il apparaît d’autant plus nettement qu’avec Cervantès un grand art européen c’est formé (le roman) qui n’est rien d’autre que l’exploration de cet être oublié.
in l’Art du roman, L’héritage décrié de Cervantès, Milan Kundera, 1986

L’ouvrage a été primé en 2024 par le prix Renaudot.

Grasset, 2024, 281 pages de poésie pour un léger 20,90€

Lectori salutem, Pikkendorff

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