Lu, relu avec grand intérêt cette histoire conçue sous forme de bande dessinée. D’autant plus désarmant que racontée sans emphase, cette histoire doit raisonner différemment selon l’histoire personnelle de chaque lecteur.
Comment espérer comprendre?
Comment puis-je espérer comprendre la guerre quand ma seule référence est la mémoire de la Grande Guerre il y a 100 ans ! Comment puis-je comprendre la vie entre deux cultures, deux référentiels ? Comment puis-je comprendre une adolescence féminine en foyer à l’étranger ?
La lecture de cet ouvrage agit en miroir pour aider à comprendre sa propre société, son petit soi.
Tout d’abord ce livre met à l’honneur Monsieur et Madame Satrapi, des parents comme chacun aimerait avoir.
Une histoire multipolaire
Narrée avec simplicité l’histoire moderne de l’Iran* des années 20 au départ de Marjane Satrapi pour la France en 94, racontée avec les mots d’une adolescente : l’implication du communisme dans la chute du Shah, la bascule dans l’Islamisme (restée sans explication étrangement), le rôle continu des grandes puissances occidentales dans la déstabilisation de l’Iran depuis 1920, la guerre avec l’Irak et son million de disparus, la dictature des mollahs, l’usage des martyrs, les relations avec les pays arabes…Tant de thèmes sont abordés que l’on aimerait s’y arrêter et les explorer plus avant.
Mais c’est aussi l’histoire quotidienne de la mode à la musique, de la première boum, du maquillage comme protestation politique, de la schizophrénie des iraniens, de la femme dans la société, de la rencontre avec la société occidentale et des ses sous-produits : punks, tiers-mondistes, gauchistes conscientisés, religieuses psycho-rigides et surtout l’individualisme de la société démocratique et son alter ego la peur de l’autre, cet effrayant autre soi.
N’est pas décrit la profondeur de la culture persane comme en témoignent la poésie de Saadi et Hafez, des jardins et de l’architecture (voir Regards sur l’Iran sur ce même blog). C’est cette profondeur qui rend les iraniens cultivés schizophrènes tiraillés entre le régime tatillon et imbécile et la liberté de penser.
Lire Marjane Satrapi : Une nécessité pour l’Occident
Les gouvernants des pays occidentaux avec à sa tête M Obama, ne peuvent s’abstenir de lire Marjane Satrapi et tous les auteurs iraniens pour espérer commencer à comprendre l’Iran d’hier et d’aujourd’hui. Pays et état millénaire, marqué récemment par dix ans de guerre avec son cortège de destruction et de morts, stigmatisé par la planète entière ave le régime des mollahs mais fier de lui-même et de sa culture. Il est probable que désireux de liberté et d’indépendance, le peuple iranien ne se soumettra pas aussi facilement au coca-cola et au jean comme aboutissement de la vie sur terre. De Ahura Mazda à Mahomet en passant pas la culture orientale où Dieu est mis à toutes les sauces, les incompréhensions seront encore nombreuses.
Le débat du voile en Occident ? Il n’est que de lire Marjane Satrapi qui, en un dessin, oppose Liberté et Foulard. Les arguments des barbus iraniens ressemblent étrangement à leurs homologues épris de libertés établis sur le sol de France. A croire que le poil excite!
Merci à Céline du prêt et de l’idée.
A lire à partir de 12 ans et à recommander aux bonnes consciences.
Lectori salutem, Nathan
*Iran, superficie trois fois la France, 70 millions d’habitants, 4ème producteur de pétrole, 2ème exportateur de l’OPEP, 2ème plus grande réserve mondiale de gaz en étant le 6ème producteur.