Une langue maitrisée, un humour mordant, une ironie coupante, un style direct du gars qui raconte ce qu’il vit, comme un copain passant du coq à l’âne de ses états d’âme à son blues et ses emmerdes sans avoir jamais rien terminé ou même commencé. Des personnages névrosés, à la marge de la société de consommation occidentale avec ses êtres coincés entre canapé et télé se définissant par leur salaire et leur voiture. Des personnages vivants car morts, morts pour leur femme, leurs enfants, pour eux-mêmes et vivants car défendant, dernier carré, la société contre les salauds et les profiteurs que tout système produit à foison. La vie réelle, vulgaire et magnifique. La bouffe, la baise, l’amour. Une langue vive, agressive, prenante.
Passages choisis
“Et après ? Après, t’as la gamme infinie des hasards malencontreux. On n’est plus en démocratie, cocotte, chez nous. C’est fini, Sarko, les petits arrangements…[…] je vois mal comment tu pourrais échapper au intérêts supérieurs de l’Etat…Moi non plus d’ailleurs..On aura chacun son tiroir à l’institut médico-légal. On sera tout bleu, tout froid, vachement glamour.”
-“Vous viendriez parler à l’antenne
–Ce pays est assez morose, inutile de l’accabler davantage. Ajouter le beurre à l’argent du beurre…En fait, on ne sait plus trop si le devoir est d’informer ou de cacher les faits.”
“Le même parcours du combattant. Quand on leur demandait comment, la guerre finie, ils avaient pu souhaiter intégrer le GIGN, puis le corps des Chats Maigres, ils répondaient honnêtement que, oui, la guerre leur manquait. Ils n’étaient ni des brutes, ni des fous sanguinaires, ni des excités, ils étaient doux comme des chats angoras, mais la guerre leur manquait. Ils haïssaient la guerre, la violence, la rage des hommes entre eux, l’imbécillité des frappes ou du corps à corps, l’arrogance du métal aveugle déchirant des familles ou ce qu’il en restait, la peur éprouvée en croisant le regard d’un forcené guère plus fautif que vous, celui d’un vrai tueur. Ils ne pouvaient plus s’en passer. ”
“Les femmes savent tout, mais elles veulent des mots. Tant que les phrases n’ont pas franchies nos lèvres, elles n’existent pas.”
Fayard, 19€, 270 pages.
Lectori salutem, Pikkendorff