Une friandise, une dégustation, un moment de plaisir intellectuel. Lire le Portait fut déjà un délice. Effeuiller les invités, après un Nothomb, est un pur plaisir. La plume est étincelante et acérée, douce et précise, délicate et vive. Légèreté et ironie mordante.
Avec finesse, Pierre Assouline nous fait vivre un dîner parmi une “petite société choisie, caste qui se donne et que l’on donne pour une élite. Tous des gens du monde, bien qu’ce ne fut pas nécessairement le même ; un pas suffisait parfois à en être, un faux pas à n’en être plus”.
Une galerie de portraits s’affinant au fil des heures, s’épaississant au cours des disputatio ; surprenants parcours vivants à l’intérieur même du dîner millimétré.
Sophie du Vivier, l’hôte de ces lieux, Docteur es dîner, dressait le plan de table car “qu’on l’appelât cérémonial comme autrefois, ou étiquette, le souci de la préséance avait manifestement été oublié lors de la nuit du 4 Août.”
Des invités triés sur le volet permettant de rechercher “cette légère touche, étincelle à peine perceptible, qui métamorphose une mondanité futile et pesante, comme les animaux de société s’en imposent pas devoir et atavisme sans y réfléchir, à seule fin de tenir leur rang, en une soirée mémorable. On s’y ennuyait rarement ; le cas échéant, l’ennui y était distingué.”
Les invités arrivent par petits groupes tandis qu’“une rumeur assassine montait de la rue. Des gens haussaient le ton, des avertisseurs s’en mêlaient. La pulsion de mort ne demandait qu’à s’épanouir chez l’automobiliste, sous-espèce si française du barbare des civilisations englouties”. Toujours discutant, deux passionnés “choisirent l’un et l’autre de se poser sur des fauteuils plutôt que de se laisser engloutir par le moelleux des canapés, de sorte que leur dispute conserve une tenue épousant la rigueur du siège. Lorsque le corps s’affale, la pensée s’affaisse.”
Et l’on parle de l’art contemporain, un vainqueur de notre monde se piquait de s’y connaître. Son discours sur l’art s’avérait pourtant d’une platitude confondante ; en décortiquant son langage, il apparaissait que l’Education Nationale lui avait tourné le dos prématurément et que, de toute évidence, cela n’avait pas été un frein à sa carrière. Au contraire même ? Qui sait.
Un dîner est une aventure. Celle-ci commença à déraper sérieusement quand Sévilliano traduisit la situation “par devers lui : Cette soirée part en couilles, j’adore !”
Foin de ces écrivaillons à succès et sans talents, arrêtons ces suédois ou américains pissant de la ligne.
Ressourcez-vous ! Dans le métro, au boulot ou au dodo, Pierre Assouline se déguste dans toutes les bonnes maisons.
Merci à Shamira de cette énième proposition de lecture qui fait mouche, comme d’habitude.
Editions Gallimard, 2009 et Folio en 2010, 5€, 200 pages.
Lectori salutem, Patrick