« À Lubok Sayong, l’eau est un vrai problème. Simplement parce qu’il y en a trop. La ville est vouée à être inondée, les inondations ravagent les maisons et emportent les vies. »
Un conte social cynique, mordant et drôle aux personnages attachants forts en couleurs nous rappelle que nous somme la somme de nos folies, racontées ou tues. À traits vifs, d’un ton patelin, deux voix, celle de Mary-Anne, une orpheline, et celle de Auyong, un homme d’affaires local, narrent tour à tour le quotidien de la ville imaginaire de Lubok Sayong, dans la région de Perak au nord de la capitale KL.
« Au lieu de l’air et du ciel, des infinis de l’espace au-delà, nous vivions désormais sous une chape d’ondes invisibles charriant des conversations, des paquets de données et des millions de téléchargements pornographiques. »
Sans déflorer l’histoire et ses mystères je garde en mémoire le quotidien des malaisiens lors de l’inondation centennale ; la peinture en pointillée d’une société multiculturelle n’évoquant pas la concorde où chacun, indiens musulmans, chinois, malais et Orang Asli, vit côte à côte ; les fourmis RTT ; la modernisation et la marche en avant de la Malaisie, ce bougisme planétaire ; l’extraordinaire jardin d’eau de Saïd Hameed, le lac de la quatrième épouse et le poisson de Beevi ; des manifestations politiques de Bersih et quelques piques sur la corruption endémique ; le badmington, la religion commune ; les lady-boy et l’homosexualité en générale ; la frénésie de l’Amok ; le lancer de savate sur les politiques ; la somme de nos folies !
Commandant une boisson fantaisie, le thé triple couche, sirop de palme au fond, lait au milieu et thé par-dessus, « Winner explosa : Regarde-moi ça ! Quel connard a inventé ça ? C’est raciste ! Regarde : noir en bas, jaune au milieu et marron au haut.
C’est toujours les noirs en bas de l’échelle ; nous les Indiens, en bas, les Malais au sommet, et vous les Chinois au milieu, à jouer sur les deux tableaux. »
Une lecture fort appréciée de ce premier roman, un cadeau de Noël 2018 de Anne-Sophie.
Traduit de l’anglais malaisie, le manglish, par Frédéric Grellier
Zulma, Août 2018, paru en Malaisie en 2014, 365 pages, 21,50€
Lectori salutem, Pikkendorff