Parachuté à Berlin – Lowell Bennett

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« Nous étions à six mille mètres d’altitude, 6 kilomètres au-dessus du centre de Berlin, dans ce vaste vide d’un autre monde. Sous mes pieds, jusqu’au moment de sauter, je vis les incendies et les DCA, les balises et les projecteurs. C’était un kaléidoscope de cauchemar. » ( page 47) 

Imaginez-vous la famille et quelques amis, tous assis au coin du feu, attentifs, écoutant Lowell (1920 – 1997), l’arrière grand-père parler de la guerre avec une puissance évocatrice hors du commun… Silence…Il était une fois en 1943, un jeune reporter embarqué dans un de ces bombardiers qui, jour après jour, punissaient les allemands de s’être commis avec le nazisme. Descendu en flamme au dessus de Berlin, capturé, baladé dans les villes martyrs, évadé jusqu’à Prague où il resta plus d’un mois. Tentative de passage en Slovaquie, interlude avec la Gestapo, condamné à mort pour espionnage, évadé de nouveau, repris, enfermé près de Berlin dans le Stalag III-D-500, camp de prisonniers français qu’il quitta pour, capturé une fois encore, intégrer le Stalag Luft I à Barth sur la mer Baltique. Fin avril 1945, les allemands fuyant, les prisonniers prirent possession du camp et s’organisèrent face au désordre provoqué par l’arrivée des russes…

Un témoignage de première main d’un des rares journalistes à voler avec les bombardiers, à endurer les bombardements depuis le sol et à revenir.

Promenade en Allemagne sous les bombes

« Jusqu’à ce jour, je n’aurais jamais pu concevoir une destruction aussi massive. J’avais vu des villages détruits en France et en Afrique, labourés par des tirs d’artillerie, réduit à des décombres arides par des bombardements et des mitraillages en piqué. À Londres il y avait des quartiers en ruine, dévastés et béants, des pâtés de maison emplis de débris là ou autre fois se dressaient des immeubles. Mais nous étions maintenant dans une ville qui avait été massacrée, pilonnée et pulvérisée, incendiée et déchiquetée, aussi totalement que possible, une destruction qui défiait toute description. » (page 71)

L’officier Josef Borner pris la responsabilité de fournir des faux documents d’identité, un chapeau et un manteau pour pendant huit jours visiter villes et villages : Hambourg, Brême, Münster, Essen, Cologne, Düsseldorff

Les descriptions nécessitent d’avoir le coeur bien accroché. Les bombes incendiaires et le cyclone de feu meurtrier est une arme terrible ! Et se pose l’interrogation : Pourquoi les zones industrielles liées à l’effort de guerre du IIIème Reich – usines, mines, chantiers navals et même les ports de U-Boot – ne furent-elles pas visées et détruites ? 

Là où il aura fallu des dizaines d’années pour reconstruire Hambourg, « son port et ses chantiers navals fonctionnèrent à plein régime neuf jours après la prise de contrôle de la ville par les forces britanniques ». (page 146)

Münster, les bombes détruisirent la Westphalie catholique, l’un des foyers de résistance au nazisme, écroulèrent la Cathédrale et réduisit au silence l’évêque von Galen…laissa debout l’usine de pièces détachées pour avions.

« Quatre semaines après la fin de la guerre, Leo T Crowley, administrateur des Affaires économiques à l’Étranger (Head of the Foreign Economic Administration), déclara: « Aujourd’hui, l’Allemagne est le premier fabricant d’armes au monde – derrière les États-Unis… Presque tous les hauts fourneaux de fer et d’acier en Allemagne, sont prêts à fonctionner, ou bien peuvent être bientôt remis en service après quelques menues réparations… Il semblerait que peu de dommages permanents été infligés à la majeure partie des usines textiles… »(page 178)

Page 182 et 183 Lowell Bennett pousse un cri et accuse, au nom des 60 000 tués ou disparus parmi l’élite de la jeunesse britannique, en page 182 et 183…Un débat toujours ouvert au Royaume Uni.

Barracks in Stalag Luft I Gift in Memory of William Richard “Dick” Terrell 2019

La vie au Stalag III-D-500

« Pratiquement tous les Français dans le Stalag III-D-500 avaient essayé de s’évader de nombreuses fois et de toutes les manières, au cours des quatre années de leur incarcération. Pour eux, c’était comme un jeu. Tout comme leur trafic sur le marché noir, l’évasion faisait partie de leurs rares distractions, dans une existence par ailleurs bien terne. » (page 259)

La vie au Stalag Luft I sur la Baltique

« En octobre 1944, l’évasion, cessa d’être un sport, selon l’expression d’une annonce officielle allemande, placardée dans chaque baraquement du camp. En caractère de couleurs vives noir et rouge, l’affiche proclamait : À tous les prisonniers de guerre. S’évader d’un camp de prisonniers n’est plus un sport… »menaçant les sportifs de la peine de mort.

l’incroyable journal quotidien clandestin du Stalag Luft I
Numéro du 6 juin 1944

POW WOW, l’incroyable journal quotidien clandestin du Stalag Luft I

« POW WOW paraissait sur les deux faces d’une grande feuille de papier à lettres. Il était imprimé et reproduit avec du papier carbone sur une machine à écrire suédoise cabossée. On le diffusaient tous les soirs à travers le camp. Quand il ne restait plus de carbone, de nouveaux stocks étaient constitués en enfumant des feuilles de papier au-dessus de lampes, puis en les enduisant de kérosène de contrebande.Les lampes étaient elles-mêmes des boîtes de conserve de margarine bouillie, avec une mèche fabriquée à partir d’une bande de brides de ceinture. » (page 311) 

Un livre nécessaire publié au lendemain du retour de captivité de Lowell Bennett et traduit par son fils en langue française en 2023 pour mieux répondre aux va-t-en-guerre assis dans leur fauteuil, pour parler aux jeunes générations. 

Édition Nuvis, juin 2023, 368 pages, 19€ bien investis pour comprendre, enfin essayer…

Lectori salutem, Pikkendorff

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