« On n’obtient jamais le pouvoir, c’est le pouvoir qui nous obtient. Plus un homme croit avoir du pouvoir, plus il appartient aux ténèbres. Plus un homme se croit puissant par rapport aux autres, plus il dépend d’une puissance supérieure dont il est l’esclave. On ne se libère jamais de la servitude en devenant le maitre d’autres hommes. On se libère de la servitude en libérant d’autres hommes. »
Renversant, choquant, ce court et dense livre est un appel à lire et relire les évangiles canoniques et apocryphes. La révolution gnostique convoquée par l’auteur est une révolution personnelle et spirituelle pour suivre le chemin des Sans Roi et la parole de Jésus, le Jésus de Saint Jean.
Deux lectures de cet ouvrage emprunté à la bibliothèque de Versailles écornent à peine le sujet. Il y faudrait encore 5 ou 6 heures de lecture crayon en main puis étudier des textes gnostiques vers la Lumière. Ces Sans Roi qui, jamais, n’apparaissent dans leurs textes sont décrit en ces termes sybillins : « Ils sont de l’autre côté, dans la lumière de la Lumière et l’invisible de l’Invisible ».
Textes en main, Pacôme Thiellement, pendant 55 pages, pointe les contradictions entre la Parole de Jésus et les injonctions de Paul et des Pères de l’Église sur des sujets tels que les mœurs, le pouvoir temporel, le succès, la violence, la vie privée, relation homme-femme, l’argent, le commerce associé à la religion. Le christianisme aurait contrefait le Verbe, la parole de Jésus. Les Puissances de mort l’aurait retourné. Jésus ne s’intéressait pas aux mœurs et à la vie privée et pourtant combien de règles et de Lois sur le sujet. Sacré Saint Paul !
Des quatre évangélistes retenus par la tradition, Saint Jean se démarque par une approche plus spirituelle tandis que ses trois camarades Mathieu, Marc et Luc. Plus matérialistes, cherchant des résultats et à évangéliser, influencés par Pierre et Paul, les trois textes semblent être un équilibre que vient bousculer Saint Jean l’évangéliste et son pessimisme peu vendeur pour qui veut convaincre et rassembler : Mon Royaume n’est pas de ce monde. Mon monde n’est point d’ici-bas. Il désigne nommément Satan comme le Prince de ce monde, appelle à la résurrection non de la chair elle-même mais le corps comme support de l’Esprit. Son Évangile est un livre parlant de lumière, d’un monde abandonné au diable et d’une relation amicale entre apôtres et Jésus.
Attention, n’allez pas confondre l’auteur de l’Apocalypse, Jean le Presbytre avec Saint Jean. Confondre ce texte millénariste est peut-être la plus insulte que l’on puisse faire à Saint Jean l’évangéliste.
Mais la question soulevée en filigrane par Saint Jean est celle de Dieu.
Simon le Magicien, le premier hérétique assuma ce que Jean ne pouvait écrire : le monde est mauvais, les hommes ne sont pas bons non plus, et donc Dieu est mauvais. Dieu est le pire ennemi de Jésus et Jésus, le pire ennemi de Dieu. Et c’est là que les problèmes commencent !
Des hypothèses hardies
- Le Mal est-il nécessaire à l’établissement de l’Église comme organisation terrestre ?
- Existeraient-ils deux faces à Dieu ? Ou plutôt deux Dieux ?
- Le Démiurge, divinité extérieure que nous appelons Seigneur, créateur du ciel et de la Terre,
- La divinité intérieure en qui la Lumière du Bien se réfracte, une force inconnue, en tous, en nous.
Pleiade Écrits gnostiques. La bibliothèque de Nag Hammadi
Les Sans Roi
Les successeurs de Simon le Magicien seront désignés sous le nom de gnostiques. Dans les écrits retrouvés en 1945 dans le désert de NAG HAMMADI, ils s’appellent les Parfaits, les Hommes de l’Autre Monde, les Errants , les Étrangers et enfin les Sans Roi : Tous autogénérés, coexistants, d’égale puissance, glorieux et innombrables. (à lire dans la La Pléiade)
Valentin dans l’Hypostase des Archontes conte que les hommes vivent dans une dystopie, une prison de fer noire « les Archontes jetèrent les hommes dans les soucis de l’existence afin qu’ils soient accaparés par la vie matérielle et n’aient pas le loisir de s’attacher à l’Esprit Saint. »
Et dès la page 57 commence une histoire alternative de Dieu.
Quoique l’auteur ait dit pendant la première partie de cette trahison de la parole de Jésus, il semble se dire que, au final, Notre Seigneur a tout de même réussi son coup en confiant les rênes à Pierre qui a su, grâce au Christianisme, conserver durant 2 000 ans sa parole trompant les Puissances de mort qui auraient tenté de détourner une parole pure et l’ont finalement maintenue intacte à travers le labyrinthe des déformations volontaires ou involontaires. Si sa parole avait été confiée à Jean, le » disciple qu’il aimait » ou à Marie de Magdala, nul doute qu’elle eut été perdue tandis qu’avec Pierre, peut-être le moins sympa, elle a traversé le temps.
Les gnostiques ou les Sans Roi furent nombreux au fil des temps.
- Les visions de Saturnin ou Basilide, anti-mariage, anti-procréation et végétariens furent vilipendés par Saint Iréné pour leur » tempérance dissimulée » !!!
- Valentin avec son Apocryphe de Jean retrouvé dans la Bibliothèque de NAG HAMMADI le range aussi comme Sans Roi pour qui la récompense immatérielle d’un Sans Roi qui a agi avec justice et sans regard pour le fruit de son action n’est que le repos :
» Cet endroit de silence où il n’est besoin de voix ni pour connaître ni pour concevoir une pensée,
ni pour s’illuminer, mais où tout est lumineux sans que rien n’ait besoin d’être illuminé. »
- L’on parle aussi de Mani, un prophète persan (3eme siècle) qui pense qu’un germe de Lumière est présent dans chaque homme, chaque communauté, Chaque spiritualité, chaque civilisation et que leur tâche est de faire en sorte que la Lumière l’emporte sur les forces de ténèbres. Mani aurait écrit 8 livres dont 3 furent retrouvés en 1930 : Kephalaia, Psautier des exilés, les Épîtres. les Manichéens furent violemment décriés.
- James Joyce, Philipp k DICK sont des lecteurs de prose gnostique, et ce ne sont point les seuls,
- L’on retrouve les Sans Roi avec les Cathares dont on connait la terrible histoire. Eux non
plus ne mangeaient ni viande, ni laitage mais osaient le poisson en référence à Jésus.. Refus de la propriété privée aussi.
Pour les Sans ROI, » dans chaque être il y a une étincelle de Lumière d’autant plus grande que celle-ci est éloignée du pouvoir dont jouissent les hommes et qui est le facteur principal de leur enténèbrement ».
Évangile apocryphe de Philipe pour qui la résurrection dans cette vie est un changement d’état.
« Je suis venu rendre les réalités d’en-bas semblables aux réalités d’en-haut, dit Jésus, et les réalités du dehors semblables aux réalités du dedans. Je suis venu les réunir dans cet éon où cela se manifeste à travers les images et les symboles. Ceux qui disent qu’il y a quelqu’un dans le ciel se trompent car Celui qui est apparu est venu des profondeurs et Celui à qui les choses cachées appartiennent est au-delà de tous les contraires. »
« Si tu vois quelque chose dans cet autre espace, tu le deviens. Si tu connais le Souffle, tu es le Souffle. Si tu vois Jésus, tu es Jésus. »
Rappelons que le mystère est entier et ne doit point diviser ceux qui peuvent transformer le monde.
« Par l’adoration, le chrétien contribue mystérieusement à la transformation radicale du monde. Toute personne qui prie le Sauveur entraîne à sa suite le monde entier et l’élève à Dieu. Ceux qui se tiennent devant le Seigneur replissent donc un service éminent… » Saint Jean-Paul II à Monseigneur Houssiau, Évêque de Liège, 1996
Nota bene :
- Les citations sans références existent bel et bien et sont référencées au sein de l’ouvrage. Je n’ai pas bien noté et ai perdu les liens. Il faudra rouvrir l’ouvrage.
- Livre emprunté à la Bibliothèque de Versailles
- L’auteur fait fit des débats sur l’identité de l’auteur de l’Évangile, des 3 épitres et de l’Apocalypse entre Saint Jean et Jean le Presbytre.
PUF, Collection Perspectives critiques 16€, 2017, 16€, 218 pages
Lectori salutem, Patrick
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